La valeur pédagogique
de l'espéranto*
La valeur pédagogique de l'espéranto concerne les
aptitudes et les qualités intellectuelles suivantes :
la mémoire, l'esprit d'observation,
l'esprit d'analyse, l'esprit de synthèse,
le raisonnement, la logique, la
créativité, l'approfondissement
de la langue maternelle et la formation morale.
La mémoire est sollicitée, comme dans tout apprentissage.
Mais, libérée par la logique, n'étant plus
occupée à emmagasiner des règles d'usage, son
usage modéré se révèlera d'une efficacité
insoupçonnée :
- l'apprentissage de chaque racine permettant, par exemple,
la fabrication de 20 ou 30 mots nouveaux par le jeu des affixes
(préfixes & suffixes) et des mots composés.
- l'étude de 5 terminaisons verbales (as,
is, os, us, u) permettant de conjuguer
tous les verbes, à toutes les personnes et à tous
les temps simples de l'indicatif, de l'impératif et du
conditionnel.
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2. L'esprit
d'observation |
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L'esprit d'observation permettra à l'élève
de découvrir par lui-même l'essentiel des règles
grammaticales.
- Exemple : Les terminaisons des mots signent
leur nature :
o pour les noms, a pour les adjectifs, e
pour les adverbes, i pour les verbes, j pour le
pluriel, n pour les compléments, etc.
L'élève ne pourra pas ne pas les voir !
Chaque mot, en espéranto, comporte, clairement lisibles,
sa nature et sa fonction, son sens et sa propre
définition (comme en chinois). Ce qui a pour résultat
que le sens des mots, même anciens ou relativement peu utilisés
et connus (y compris dans notre propre langue maternelle), devient,
en espéranto, immédiatement clair et compréhensible.
Français |
destrier |
palefroi |
haquenée |
Anglais |
steed |
palefrey |
hackney |
Espéranto | batalĉevalo | paradĉevalo | damĉevalo |
* Alors que, pas plus en français qu'en
anglais, le mot ne nous renseigne sur ce que le cheval a de particulier,
même quelqu'un qui n'a jamais appris l'espéranto comprend
tout de suite que le premier est un cheval de bataille, le second
un cheval de parade et que le troisième est réservé
aux dames.
Alors que c'est dans la version que s'exerceront surtout
l'esprit d'analyse (des éléments du mot espéranto
et de leur sens) et la recherche du mot français précis
et équivalent (palefroi, destrier, etc.), dans
le thème, ce sont les deux démarches qui vont
devoir être utilisées : analyse et synthèse.
- Exemple : Traduire le mot « condisciple »
en espéranto.
Analyse : Qu'est-ce qu'un condisciple ? – C'est
une personne qui a étudié avec (en même temps
et au même endroit).
Traductions possibles :
1 – kunlernanto (avec + élève)
2 – kunstudento (avec + étudiant)
3 – samlernejano (même
+ école + membre)
4 – samkolegiano (même
+ collège + membre)
5 – samliceano (même +
lycée + membre)
6 – samuniversitatano (même
+ université + membre)
Seul le n° 1 « kunlernanto » figure
au dictionnaire espéranto. Les cinq autres ont été
créés pour rendre une précision ou une nuance
supplémentaire. D'autres encore pourraient être créés.
Tous sont parfaitement corrects et compréhensibles. Il restera
encore à choisir ou à construire le mot qui s'insèrera
le mieux dans le contexte (synthèse).
On voit le nombre et la variété de démarches
intellectuelles qu'entraine la traduction d'un seul mot en espéranto.
Somme d'activités intellectuelles sans aucune mesure avec
ce qu'aurait été, dans une autre langue, l'inévitable
recours au dictionnaire.
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5. Le raisonnement
et la logique |
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Les quelques exemples précédents montrent clairement
combien toutes ces activités intellectuelles sont exercées
dans l'étude de l'espéranto ; on pourrait multiplier
les exemples.
L'espéranto est sans doute une des rares langues où
le vocabulaire potentiel est plus important que celui existant
dans les dictionnaires, même les plus complets.
Par « vocabulaire potentiel » il faut comprendre
les milliers de mots que tout usager de l'espéranto peut
créer à partir de quelques centaines de racines et
une trentaine de préfixes, suffixes et terminaisons grammaticales,
même si ces mots n'ont jamais été utilisés
auparavant.
Un nombre quasiment infini de mots peut ainsi être créé
en espéranto, dont beaucoup n'ont aucun équivalent
(par exemple en français), bien que leur signification soit
parfaitement claire pour tout interlocuteur, quels que soient son
pays et sa langue maternelle.
Créateur de mots, l'utilisateur de l'espéranto est
aussi créateur de concepts, car un concept nouveau a besoin
de s'incarner dans un mot pour vivre et perdurer.
Fait capital, cette créativité n'est pas réservée
aux poètes ou aux techniciens de pointe pour répondre
à la sensibilité des premiers et à la précision
rigoureuse des seconds ; elle est à la portée
de tous.
Combien de langues offrent à leurs utilisateurs la possibilité
de créer autant de mots que leur sens des nuances et de la
précision ou le caractère original de leur pensée
et de leur sensibilité peut exiger ?
- Quelques exemples :
Le mot « condisciple » nous en a déjà
donné un aperçu :
6 mots nouveaux, 6 mots créés
pour 1 seul mot déjà existant (au dictionnaire)…
et, de plus, 6 nuances nouvelles aussi évocatrices
qu'immédiatement et aisément compréhensibles.
En voici quelques autres qui nous montreront clairement tout ce
que l'espéranto doit à ses structures isolantes
et agglutinantes « à la chinoise » :
Espéranto |
Chinois |
Français |
sam-land-ano
même + pays + membre |
tong-guo-ren
même + pays + membre |
com-patriote |
sam-religi-ano
même + religion + membre |
tong-jia-ano
même + religion + membre |
co-réligionnaire |
Sur le même modèle, une multitude d'autres mots
peuvent être créés pour lesquels il n'existe,
souvent, aucun équivalent en français. En voici
quelques-uns avec :
Thème |
Espéranto |
Français |
ville |
sam-urb-ano |
? |
village |
sam-vilaĝ-ano |
? |
chambre |
sam-ĉambr-ano |
? |
profession |
sam-profesi-ano |
? (collègue) |
table |
sam-tabl-ano |
? (convive) |
parti |
sam-parti-ano |
? |
club |
sam-klub-ano |
? |
province |
sam-provinc-ano |
? |
quartier |
sam-kvartal-ano |
? |
région |
sam-region-ano |
? |
Ces quelques exemples permettent de mieux comprendre :
- combien, en espéranto, il est aisé de fabriquer
des mots précis et parfaitement clairs ;
- combien, en français, ces mots sont difficiles à
trouver… et souvent même inexistants.
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7. L'appronfondissement
de la langue maternelle |
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Les quelques exemples précédents montrent de façon
évidente combien l'étude de l'espéranto peut
contribuer à une meilleure connaissance des langues, y compris
la langue maternelle (le français), à la fois :
- par l'enrichissement du vocabulaire français :
simio = singe, offre très facilement
l'accès à un mot recherché : simia = simiesque ;
- et par une meilleure compréhension de la grammaire
française :
par exemple, par la mise en évidence des multiples natures
et fonctions qui sont celles d'un petit mot aussi banal que…
« que », tantôt conjonction (cause,
but, etc.), tantôt pronom relatif (singulier ou pluriel,
sujet ou complément), tantôt adverbe, et par suite
chaque fois traduit en espéranto par un mot différent,
mettant ainsi clairement en évidence sa nature et sa fonction,
et permettant ainsi une compréhension et une analyse grammaticale
juste ou précise et immédiate (que = ke,
kiu, kiun, kiuj, kiom, kiel,
kial, ol, etc.).
Les évènements, tant en ex-Yougoslavie qu'au Rwanda,
en Irlande du Nord qu'en Tchétchénie et en plus de
cent lieux dans le monde, où guerres, violences, tortures,
déportations et massacres ensanglantent notre planète,
montrent quels sont les ravages des nationalismes exacerbés.
Racisme, intégrisme, nationalisme : trois formes d'une
même perversion.
Il devient de plus en plus indispensable et urgent de trouver des
antidotes à ces poisons mortels. Ces antidotes existent ;
ils ont pour nom : tolérance, acceptation et respect
des différences, sentiment d'appartenance à une communauté
humaine plus vaste et plus généreuse que les catégories
étroites et refermées sur elles-mêmes des races,
des religions et des nationalismes.
L'espéranto est né de cette volonté d'unir
les hommes dans un idéal humaniste de respect et de tolérance
en leur permettant de communiquer et de se comprendre.
C'est cet idéal qui a permis à l'espéranto
de survivre à toutes les guerres, à toutes les persécutions
et à toutes les dictatures ; des dizaines de milliers
d'espérantistes sont morts dans des camps soviétiques
et nazis, payant de leur vie l'idéal qu'ils avaient trouvé
dans l'espéranto.
Quiconque apprend l'espéranto s'imprègne de cet idéal
et il va le vivre dans chaque rencontre internationale où
il va côtoyer des hommes et des femmes de toutes races, de
toutes religions et de tous pays, et se lier d'amitié avec
eux.
Ce qui ne retire rien de l'amour vrai qu'il peut porter à
son propre pays, au contraire.
L'espérantophone ne se proclame pas internationaliste ;
il met ses idées en application, il les vit dans le quotidien
de ses amitiés et de ses collaborations par delà les
frontières.
Nulle autre langue n'est porteuse, à un tel niveau d'intensité,
de ces valeurs, valeurs tout à fait compatibles avec la
défense des langues et des cultures régionales et
minoritaires, menacées d'extinction par l'impérialisme
destructeur des langues dominantes.
L'espéranto apparait comme la seule langue qui non seulement
ouvre sur toutes les cultures et les peuples du monde, mais
peut faire de celui qui l'étudie et l'utilise un véritable
citoyen du monde plus à même de vivre au mieux la mondialisation
inévitable.
* Tiré et adapté de l'article « Valeur
propédeutique de l'espéranto » de Jean MARIN,
diffusé par le Groupe des enseignants espérantophones
(Paris) par Esperanto nord ; http://esperanto.nord.online.fr/fr/esperanto/pedagogique.htm